Capital immatériel

Collecter ou Connecter la connaissance ?

By 5 mars 2019août 4th, 2020No Comments

Socrate a enseigné à son plus célèbre disciple, Platon, que : « Le fait d’admettre que l’on ne sait pas tout est le premier pas de notre voyage vers la connaissance. » Assez ironiquement, l’hellène n’a laissé aucun écrit pour traduire sa pensée, et sa philosophie n’en a été transcrite qu’oralement. Pourtant, même contemporainement, le philosophe reste universellement reconnu comme un penseur iconique. Dans une problématique de gestion des connaissances, il est intéressant de chercher les raisons dans les prémices de la mémoire humaine : Comment cette connaissance existe-t-elle encore ? La connaissance, n’aurait-elle pas du tomber dans l’oubli après les différentes « mises à jour » apportées par les courants de pensée postérieurs ? Paradoxalement, pourquoi la pensée d’un maître antique reste, de nos jours, accessible et utilisable ?

Ces considérations peuvent sembler trop lointaines pour être réellement mis en application de nos jours. Encore plus particulièrement dans un contexte professionnel. Et pourtant, ces questions illustrent la véritable binarité de la conservation des connaissances, et leurs réappropriations, faisant émerger deux approches : les connaissances « poussées » et les connaissances « tirées ».

L’accès à la connaissance « poussée » : Le partage se fait sans finalité précise, mais la conservation s’opère car il faut partir du postulat que cette donnée SERVIRA un jour. C’était le but de la construction de la Bibliothèque d’Alexandrie, par exemple, édifiée afin de conserver un exemplaire de tout ouvrage ayant jamais été écrit, afin de pérenniser et capitaliser le savoir de l’Humanité. Toutefois, cette idée de « prévision » de la connaissance se heurte à la réalité que la compilation de toutes les connaissances existantes est tentaculaire et interminable. En effet, il est irréaliste de penser que les infinités de possibilités d’une situation peuvent être couverte de manière exhaustive au préalable.

L’accès à la connaissance « tiré » : Le partage de connaissances devient nécessaire parce qu’il y a un besoin, plus ou moins imminent, de connaître les procédures à appliquer. Cette approche encense le cas d’espèce et s’appuie sur une situation bien particulière pour illustrer les connaissances apprises dans ce cas-là.  Démocrite, un autre philosophe grec, disait : « Beaucoup de réflexion et non beaucoup de connaissances, voilà à quoi il faut tendre. » La connaissance « tirée » est une réaction, plutôt qu’une prévision. Sur un plan purement pécunier, cette méthode est la méthode la plus efficace. Pourtant, bien qu’elle rende une entreprise plus efficiente sur le plan du capital, elle la rend aussi plus fragile. De fait, la recherche d’une information dans un contexte d’urgence ne permet pas souvent de prendre en compte le contexte en entier. Donc, la solution apportée est limitée par rapport aux caractéristiques prévalentes.

 

Succinctement donc, si la connaissance tirée est certes plus efficiente, la connaissance poussée est-elle plus efficace. Et cela sans évoquer les évolutions quotidiennes dont nous sommes témoins. Pierre Boulez, expliquait à l’Ecole normale supérieure : « Je pense que nous sommes dans un siècle […] où l’on dispose de capacités d’accumulation de documentation absolument effrayantes. Plus les capacités de documentation croissent (grâce aux moyens technologiques qui sont maintenant à notre disposition), plus on va vers une accumulation auprès de laquelle la bibliothèque d’Alexandrie devait être un enfantillage… » Ceci révèle que la dématérialisation est donc un outil formidable au service de la connaissance poussée et tirée, suivant son utilisation. En effet, qui n’a jamais effectué une recherche incongrue sur un moteur de recherche ? Et pour autant, la connaissance s’avère être accessible.

Cela étant, une nouvelle problématique en découle, et au-delà de la pro-action contre la réaction, en matière de gestion des connaissances : collecter ou connecter, quelle est la meilleure solution ?